Créer le suspense dans un roman représente un indéniable défi. Avoir en tête l’idée d’une intrigue ne suffit pas, il faut savoir développer cette dernière en toute logique et cohérence, et surtout trouver la manière la plus efficace de la livrer au lecteur. Chacun des rouages de la mécanique du texte doit être bien huilé. Le récit doit s’avérer captivant, efficace et fluide.

LE SUSPENSE, UNE BÊTE À NOURRIR

Par définition, le suspense vise à susciter des réactions, voire des émotions, qui oscillent à divers degrés entre l’inconfort et l’effroi. Ces émois sont directement liés aux appréhensions du lecteur; il convient donc d’en avoir pleinement conscience et de savoir en tirer profit.

Si l’auteur sait jouer avec virtuosité des horizons d’attente de son lecteur, il se trouve en position de pouvoir les alimenter à sa guise, selon les intérêts de l’intrigue. Il peut ainsi s’amuser à faire tantôt languir son lecteur, tantôt le conforter dans ses repères habituels et, mieux encore, provoquer chez lui la stupéfaction en déboutant ses anticipations.

La tension dramatique doit être alimentée; plus on nourrit la bête, plus elle prend de l’ampleur.

LA POINTE DE L’ICEBERG

On ne saurait éveiller l’intérêt du lecteur sans commencer par piquer sa curiosité. Pour ce faire, il faut titiller son imaginaire avec une pointe de mystère, sans lui dévoiler l’ampleur de l’intrigue, mais en la lui laissant toutefois entrapercevoir. Le lecteur éprouvera alors le désir de plonger dans la lecture afin de découvrir par lui-même si ses intuitions se confirment.

Si l’auteur a bien fait son travail, le lecteur devrait cependant, pour finir, être impressionné de découvrir à quel point l’intrigue a dépassé ses premières impressions.

Le suspense fascine par son mystère; il joue sur les apparences, fait preuve de pudeur, aguiche son lecteur et tarde autant que possible à révéler ses secrets. C’est l’évidence : si le récit se laisse deviner trop facilement, l’intrigue tombe à plat.

ORIGINALITÉ, AMBIANCE ET RYTHME

Si l’histoire que vous racontez ressemble à mille autres, le lecteur ne tardera pas à en apercevoir les moindres ficelles; de là l’importance de proposer une intrigue originale. N’hésitez pas à le faire frissonner, blêmir, retenir son souffle et grimacer d’horreur! Pour développer ces scènes palpitantes, inspirez-vous d’un champ lexical approprié qui puisse faire naître des images évocatrices et vous permettre de bien camper les ambiances.

Par ailleurs, ne manquez pas de moduler le rythme de la lecture en alternant les scènes trépidantes et les scènes reposantes. L’amateur de sensations fortes a besoin de repos pour mieux apprécier, par contraste, les moments intenses. Et vice versa.

CRÉDIBILITÉ DES FAITS ET PERSONNAGES

Avant de vous mettre à l’écriture, interrogez-vous à propos de l’histoire à raconter : quels seront les enjeux du récit; quels seront les intérêts à défendre de chacun de vos personnages; que risqueront-ils de perdre ou de gagner au cours de l’action; quels seront les motifs qui donneront un sens à leurs actions? Tout cela doit être logique, cohérent et crédible afin de soutenir la tension dramatique. L’action doit représenter un défi, le héros doit composer avec des contraintes, surmonter des obstacles et faire face à des conflits d’intérêt qui intensifieront la tension dramatique.

N’oubliez pas que le lecteur est fasciné par le mal, qu’il cherche à comprendre, sans pour autant le cautionner. Votre héros, quant à lui, ne doit pas être parfait; il doit avoir des failles, éprouver des doutes, qui fassent en sorte que le lecteur puisse se reconnaître en lui et s’y attacher.

TROP DE SUSPENSE, C’EST COMME PAS ASSEZ…

Créer le suspense, c’est prendre soin de multiples détails, mais… attention! Gardez en tête qu’une trop grande complexité tue l’intrigue, car alors le lecteur risque de se décourager et d’abandonner sa lecture s’il n’arrive pas à suivre le fil de l’histoire. Ne négligez pas le fait qu’il plonge dans un livre pour se détendre, et certainement pas pour développer des maux de tête.