Vous avez peut-être déjà entendu cette expression quelque part et n’avez qu’une vague idée de sa signification. Pourtant, si vous êtes adepte de romans de genre, il est certain que vous avez développé, probablement à votre insu, un horizon d’attente en fonction de votre expérience de lecture. Une chose est certaine, c’est que, si vous êtes auteur, il s’avère de première importance de prendre conscience de celui de votre lectorat au moment d’écrire.
Un concept issu de la théorie littéraire
L’expression « horizon attente » n’est pas nouvelle et émerge des théories de la réception et de la lecture. C’est un concept littéraire qui se révèle complexe, pour peu que l’on prenne la peine de s’y pencher sérieusement, toutefois pour les besoins de ce billet restons-en aux notions les plus simples.
On entend par l’expression « réception », la manière dont est attendu, reçu et perçu un ouvrage par le public. Dans les grandes lignes de cette théorie littéraire, on oppose la « permanence du texte » (puisque celui-ci, une fois édité, est figé dans une forme définitive) à l’« impermanence de la lecture » (en considérant que les attentes et la perception du lectorat peuvent varier selon les paramètres contextuels de la lecture).
On considère que le texte n’existe et ne revêt de signification qu’en fonction de la lecture qu’on en fait. Cela souligne l’importance que représente le destinataire dans la compréhension, l’appréciation et l’interprétation d’une œuvre.
Autrement dit, c’est l’acte de lecture qui donne vie au texte. On peut supposer autant de lectures différentes d’un même texte que ce dernier peut compter de lecteurs, car chacun d’eux projettera dans sa lecture une part de lui-même, de son expérience de lecture, mais aussi, et surtout, de son rapport au monde en général.
Un système de référence
Selon ce concept littéraire, la réception d’un texte serait influencée par l’expérience préalable que le lecteur — ou plus largement le public — a du genre auquel l’ouvrage appartient. Cette expérience peut être en partie personnelle, mais, en regard de ce que nous enseigne l’histoire littéraire, elle se révèle essentiellement collective et, donc, culturelle.
À titre d’exemple, prenons le roman policier. On peut supposer que les amateurs de polars connaissent bien leurs classiques pour les avoir lus et parfois même relus plus d’une fois. Assoiffés de nouveautés, ils attendent avec impatience la parution du prochain roman policier de leur écrivain fétiche sinon d’un nouvel auteur de la relève qui s’annonce prometteur.
Dès l’instant où un amateur de polar se procure un livre qui se présente sous cette appellation, il nourrit des attentes très nettes quant à la lecture qu’il en fera.
En effet, tel un horizon qui laisserait deviner au loin un certain paysage selon les reliefs qu’il permet d’entrevoir, le genre auquel appartient un texte permet d’anticiper la forme et les thématiques de celui-ci à partir d’œuvres antérieures qui en ont préalablement établi les codes. Ces œuvres antérieures peuvent être celles de l’auteur lui-même, s’il a su développer quelques particularités à l’intérieur de ce genre bien défini, sinon celles appartenant depuis des lustres au genre littéraire auquel son ouvrage correspond.
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Le plaisir de l’anticipation
Si le lecteur de polar, de romance ou de science-fiction — pour ne nommer que ceux-là — anticipe avec plaisir le moment de plonger dans sa lecture, c’est qu’il sait déjà, en partie du moins, à quoi s’attendre. Il aime se retrouver en terrain connu, au cœur d’un univers et de thématiques qu’il affectionne, ce qui ne l’empêche pas pour autant de souhaiter renouveler ce plaisir en se laissant entraîner dans une histoire nouvelle qui comportera, espère-t-il, son lot de surprises.
Somme toute, l’horizon d’attente du lecteur constitue l’ensemble de ce à quoi ce dernier estime être en droit de s’attendre au moment de plonger dans la lecture. Ces attentes ont été façonnées au fil de ses expériences de lecture qui lui ont permis d’établir plus ou moins consciemment les constantes du genre qui lui plaît, lesquelles il souhaite retrouver dans ses lectures subséquentes.
En termes clairs, l’horizon d’attente se définit en fonction des similitudes, voire des récurrences, repérables dans les ouvrages appartenant à un même corpus.
Ne pas décevoir le lecteur
S’il importe de prendre conscience de l’horizon d’attente de son lectorat, au moment d’écrire un roman dit de genre, c’est que la non-considération de celui-ci pourrait causer de la déception chez le lecteur. Ce dernier pourrait fort bien se détourner de sa lecture et peut-être même déconseiller à ses camarades cet ouvrage qui s’avère décevant en raison de son non-respect des codes du genre.
En effet, comment pourrait-on imaginer un roman d’amour où tout va bien, du début à la fin, sans qu’il y ait la moindre difficulté ou interdit à transgresser ? Quel serait l’intérêt d’un roman fantastique qui nous explique tout, à tel point que rien ne nous semble plus mystérieux ? Pouvez-vous imaginer votre déception à la lecture d’un roman policier qui ne se terminerait pas avec la très attendue résolution de l’intrigue principale ? Ce sont là des exemples grossiers, pour souligner l’importance de respecter les codes de genre, mais à la lumière de ceux-ci on devine fort bien l’inévitable déception des lecteurs dont l’horizon d’attente n’aurait pas été comblé.
Le succès de la littérature de genre repose sur l’horizon d’attente du lectorat. D’ailleurs, la mise en marché éditoriale joue des composantes de celui-ci pour stimuler la notoriété d’un auteur et faire mousser les ventes de chacune de ses publications. Il faut donc livrer la marchandise !
Voilà pourquoi il importe, en tant qu’auteur, de bien maîtriser les codes du genre auquel on souhaite se consacrer. Cette connaissance ne doit pas être considérée comme un corset qui nuirait éventuellement à l’originalité, car rien n’empêche de renouveler les codes du genre en lui conférant un style particulier qui constituera la singularité d’une signature ; ce qui revient à dire qu’on aura alors créé un nouvel horizon d’attente chez les lecteurs… et qu’on aura peut-être, qui sait, inspiré les écrivains qui vont suivre et assurer la relève !
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Vous avez en tête une idée de roman, vous avez même choisi vos personnages et déterminé l’intrigue autour de laquelle s’organisera le récit ? Super !
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