Il peut parfois sembler difficile de passer d’une scène (ou d’un chapitre) à l’autre, dans un roman en cours d’écriture, de manière que les transitions se fassent en douceur. Comment éviter par exemple, lorsque les événements sont racontés de façon linéaire, la surutilisation de marqueurs temporels ? Ces derniers, s’ils sont utilisés de façon systématique pour marquer la progression dans le temps, confèrent au texte des allures quelque peu mécaniques. Il importe donc, afin d’assurer la fluidité du texte, de déployer des stratégies narratives qui nous permettront de les éviter sinon de réduire leur utilisation dans l’enchainement des scènes.

Qu’est-ce qu’un marqueur temporel ?

On appelle « marqueur temporel », « connecteur temporel » ou « marqueur de temps » des mots ou ensemble de mots (adverbes, conjonctions, locutions adverbiales, etc.) qui permettent de marquer la progression du récit en faisant état du passage du temps.

Ces locutions familières sont fréquemment utilisées en début de paragraphe (de scène ou de chapitre) afin d’articuler le discours narratif, mais elles peuvent également être utilisées au cœur même des paragraphes pour lier les propositions entre elles.

Les marqueurs temporels peuvent servir à souligner : l’antériorité (la veille, la semaine précédente, deux heures plus tôt, etc.), la simultanéité (en même temps, tandis que, pendant ce temps, etc.), la postériorité (ensuite, trois jours plus tard, l’année suivante, etc.), la durée (durant une heure, de longues années durant, etc.), la fréquence (tous les mois, chaque fois que, quotidiennement, etc.) d’une action.

Il existe aussi des marqueurs de rupture temporelle (tout à coup, soudainement, ce jour-là, à partir de ce moment, etc.) qui permettent quant à eux de jalonner un tournant du récit.

Un exemple de surutilisation de marqueurs temporels :

Pour les besoins de la cause, le texte a été raccourci en plusieurs endroits : (…)

Le lundi, Paul prit sa voiture pour se rendre chez Louise. Il s’entendait plus ou moins bien avec celle-ci, mais comme il avait peu de fréquentations, il revenait toujours à elle.
(…)
Un peu plus tard en semaine, Louise lui téléphona pour lui apprendre une mauvaise nouvelle ; sa mère venait d’être hospitalisée.
(…)
Ce jour-là, Paul ne se sentait pas d’humeur à discuter au téléphone et fit preuve de peu d’empathie. Louise en fut blessée, mais elle n’osa pas manifester sa déception. Sans doute commençait-elle à comprendre que leur intérêt n’était pas tout à fait réciproque.
(…)
Dans les jours suivants, elle décida de ne pas le contacter afin de voir si, de son côté, il aurait la délicatesse de prendre de ses nouvelles ou, à tout le moins des nouvelles de sa mère.
(…)
Après quelques semaines à éviter d’entrer elle-même en contact avec lui, elle réalisa que chaque fois qu’il la contactait, ce n’était pas par intérêt sincère, mais plutôt pour se désennuyer et recourir à sa présence pour fuir sa solitude.
(…)
Lorsqu’arriva le temps des fêtes, elle prit la décision de ne pas l’inviter au réveillon qu’elle organisa pour ses autres amis qui, ceux-là, apparaissaient plus authentiques.

On voit dans cet exemple très condensé (et amputé de plusieurs phrases afin de mettre en relief ces fameux marqueurs temporels), que chaque paragraphe commence systématiquement par un marqueur temporel. Il en découle un effet « liste d’épicerie » comme si le narrateur se contentait de nous résumer la chronologie des événements en les « enfilant » les uns derrière les autres. Or, raconter une histoire, c’est bien plus que de faire état d’une succession d’actions. Écrire un roman, c’est aussi, et surtout, savoir « mettre en scène » ces événements.

Soulignons que cette problématique survient, la plupart du temps, lorsque l’on « résume les événements » plutôt que de les « donner à vivre » au lecteur. À ce sujet, il importe d’appliquer la fameuse règle d’or de l’écrivain : « Don’t tell me, show it».

Comment éviter l’utilisation de marqueurs temporels  dans l’enchaînement de nos scènes ?

Pour éviter la surutilisation de marqueurs temporels ou, à tout le moins, dissiper l’effet « liste d’épicerie » engendré par leur utilisation systématique en début de scènes ou de chapitres, il est possible de trouver d’autres moyens de souligner le temps qui passe.

Par exemple, pourquoi ne pas commencer la scène ou le chapitre au moment où le personnage est en train d’agiter la cuillère dans son café tout en lisant le journal ? Le lecteur en comprendra que c’est le matin. De même, si on commence une scène alors que le personnage est en train de décorer un sapin de Noël, on en comprendra que c’est au mois de décembre. Le personnage enfile-t-il son pyjama avant de se mettre au lit ? On devine que c’est le soir. Il ouvre la radio et on annonce les soldes d’été ? On saisit que la saison estivale tire à sa fin, etc.

Bref, il existe des moyens plus subtils que les marqueurs de temps pour permettre au lecteur de se repérer au fil du récit. Il suffit de déployer votre créativité pour trouver moyen de communiquer ces précisions, lorsqu’elles s’imposent, de manière implicite.

Une question de bon dosage

Les marqueurs temporels peuvent s’avérer très utiles quand vous êtes en cours d’écriture. Ceux-ci permettent de marquer explicitement l’avancement du récit que vous êtes en train d’élaborer. Lorsque vient le moment de la réécriture, toutefois, il se peut que ces marqueurs temporels apparaissent trop présents et qu’il faille alors vous appliquer à en réduire l’usage dans l’enchaînement. C’est donc, comme pour bien des aspects de l’écriture, une question de bon usage et de bon dosage !

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