Écrire un haïku peut représenter un beau défi pour le poète qui sommeille en vous. Depuis le XVIIe siècle où il est apparu, l’haïku est l’un de ces mystères de la poésie, aussi énigmatique que sibyllin. Pourtant, il porte en lui une forte charge symbolique et une émotion à fleur de peau qui l’ont rendu célèbre au-delà des îles nipponnes dont il est originaire. Le poème haïku se dévoile pudiquement entre ses courtes lignes, induisant une forme d’immédiateté grâce à sa brièveté. Peut-être ce tour de force est-il rendu possible parce qu’au-delà de sa tournure laconique, il désigne l’insaisissable et raconte un court instant qui s’imprimera durablement dans la mémoire ? Nous allons tenter de comprendre les caractéristiques de ce type de poème afin de vous inspirer le désir d’en écrire.
À quoi ressemble un haïku ?
Tandis qu’au Japon les calligrammes s’écrivent verticalement, en Occident, l’haïku est représenté par trois courtes lignes horizontales comptant l’une 5, l’autre 7, puis la dernière 5 syllabes, soit 17 syllabes en tout. Il inclut obligatoirement un « kigo », mot-clé évoquant une saison.
Ainsi :
- le printemps est parfois suggéré par les termes : fleur, oiseau, bourgeon, etc.
- l’été par : soleil, moisson, coquelicot, etc.
- l’automne par : bruine, champignon, brouillard, etc.
- l’hiver par : cheminée, flocon, guirlande de Noël, etc.
Cette attention portée au détail, qui souligne la présence au monde du poète durant une saison particulière, prolonge l’éphémère en lui donnant une dimension d’éternité.
L’autre caractéristique principale de l’haïku est la juxtaposition des deux images qui le composent, scindées par une césure qui déstabilise, rompt l’équilibre et élargit la perspective. Cette rupture, nommée « kiregi » (mot qui coupe), a plusieurs fonctions :
- elle crée un effet de surprise ;
- déplace l’attention du lecteur vers une conclusion inattendue ;
- soulève une question là où l’on attendait une réponse, effleurant parfois celle-ci sous une forme elliptique.
Exemple :
« Neige qui tombait sur nous deux —
Es-tu la même
Cette année ? »
(Matsuo Basho)
Ainsi, la composition de l’haïku ouvre une dimension inattendue qui se prolonge au-delà de l’image évoquée.
Enfin, la référence à la nature, aux émotions ou aux sensations pour exprimer une idée ou une impression, suggère que le poème est une révélation que le lecteur est invité à intérioriser dans son intimité. Méditation fugace, ou contemplation interrompue par la réalité, l’haïku unit le poète au monde, tout en l’en détachant.
Comment écrire un haïku ?
Peut-être faut-il commencer par envisager l’état d’esprit qui préside à ce type de poème : ni ostentatoire ni claironnant, encore moins triomphant, le haïku se distingue par son dénuement, son minimalisme, et par la force d’évocation des images qu’il rapproche.
Tout d’abord, l’haïku doit tendre vers la simplicité : pour en concevoir un, il convient donc d’éviter les mots superflus et les descriptions détaillées. Il appelle aussi la précision : on prendra soin de choisir des mots qui évoquent des images claires et distinctes.
Ensuite, la rupture doit être provoquée pour faire basculer le sens : on fera ainsi jouer l’effet « kiregi ». Enfin, même si sa structure est strictement codifiée, chaque haïku doit surprendre et se traduire par une image inattendue. Il est ainsi un terrain idéal pour l’expérimentation : créer un haïku permet de jouer avec des règles pour susciter des effets inédits.
Quelques haïkus célèbres
Tandis que ses origines remontent à l’époque Heïan (VIIIe siècle), l’haïku a été formalisé 900 ans plus tard par le poète Basho Matsuo. Que d’élan dans le poème classique suivant :
« Devant l’éclair —
Sublime est celui
Qui ne sait rien » !
Ou dans celui de Kobayashi Issa :
« Matin de printemps
Mon ombre aussi
Déborde de vie ! »
On remarquera aussi les paradoxes qui créent des images saisissantes, porteuses de leçons existentielles :
« Couvert de papillons
L’arbre mort
Est en fleurs ».
On décèlera même l’humour et l’autodérision devant la nature humaine, comme chez Masaoka Shiki :
« L’escargot
levant la tête
C’est moi tout craché ».
Parmi les auteurs contemporains, notamment francophones, qui s’essaient à l’haïku, on note certes une brièveté formelle et un condensé poétique, mais pas toujours la césure si naturelle aux auteurs japonais.
Voici quelques exemples où l’effet « kireji » n’a pas su être rendu :
« Premières cerises
On les vole au bord des routes
Comme des gamins ».
« Comme tous les midis
La nana au tatouage
S’en vient boire son coup »
(Patrick Blanche).
En revanche, le poète Alain Kervern a su créer des haïkus dont le sens bascule vers l’insolite :
« Il monte il monte
L’orage
Par les cages d’escalier ».
Son confrère Jean Antonini a formulé de brèves ruptures qui laissent songeur :
« Petit géranium rouge
Mon tremplin matinal
En ce monde ».
« L’univers est un grand mystère
Dit-il en regardant
Un carré de poireaux ».
On remarquera aussi, chez Philippe Breham, la délicatesse d’un détail pourtant presque imperceptible :
« Silence de l’aube
Et de la neige qui tombe
Sur la neige ».
Ce dernier vers, « sur la neige », est l’évidence qui rappelle à quel point tout se prolonge — temps, hiver, solitude, éloignement… — durant la plus tranquille des saisons.
À vos marques !
Pour écrire un haïku percutant et pour atteindre sa cible poétique, il convient donc de suivre quelques principes :
- prendre le temps d’observer la nature et les sensations environnantes ;
- situer l’observateur et narrateur dans une perspective insolite ;
- choisir les mots-clés « kigo » avec soin, et peaufiner l’effet « kiregi » ;
- écrire plusieurs versions d’un même haïku pour trouver la meilleure formulation ;
- se concentrer sur l’essentiel, en évitant les clichés ou les expressions banales ;
- lire et relire son haïku pour vérifier sa structure, sa signification et son effet.
Un univers immense s’ouvre à soi si l’on prête attention aux détails que met en relief l’haïku. Cette forme singulière correspond étonnamment bien au style des correspondances actuelles (textos, tweets), dont les messages frappent par leur concision.
Ainsi, plus que jamais s’affirme la pertinence du plus petit poème du monde !
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