Vous êtes de ces auteurs qui cherchent à gagner leur vie grâce à l’écriture? Écrire et publier, hélas, la plupart du temps, ne suffit pas à mettre du pain et du beurre sur la table, aussi faut-il envisager d’autres moyens de générer des revenus substantiels. Vous avez pensé, peut-être, à devenir écrivain fantôme? Le pigeon décoiffé en a interrogé quelques-uns afin de partager avec vous leur cheminement et les dessous du métier!

Merci à Mélina Babin, Pierre-Alexandre Bonin, Andrée Laganière et Pascale Hubert qui ont généreusement répondu à nos questions au sujet de l’écriture fantôme.

Qu’est-ce qu’un ghostwriter?

On les appelle parfois ghostwriter (écrivain fantôme), prête-plume ou écrivain de l’ombre. Lorsqu’on demande à Miléna Babin de définir ce rôle qu’elle a endossé quelques fois depuis 2016, elle le résume au fait de : « prêter sa plume à quelqu’un qui a une histoire à raconter, mais qui n’a pas nécessairement les aptitudes ou le temps pour l’écrire lui-même. » Pierre-Alexandre Bonin, qui s’adonne lui aussi à l’écriture fantôme, ajoute à cela que, pour lui, c’est aussi un travail d’accompagnateur dans le but de permettre à quelqu’un qui a une idée de livre à transposer ce projet par écrit.

De quelle manière devient-on écrivain fantôme?

On devient écrivain de l’ombre, la plupart du temps, par concours de circonstances. Il semble en effet, pour tous les auteurs interrogés, que cela se soit produit sans avoir été vraiment prévu dans leur cheminement de carrière.

Andrée Laganière

Andrée Laganière, qui travaille dans le milieu de l’édition depuis de nombreuses années à titre de réviseure et de traductrice, entre autres, a exercé cette fonction en quelques occasions entre 2005 et 2017. Les propositions sont arrivées en se faisant connaître dans le milieu littéraire par son écriture. « Les contacts ne nuisent pas », déclare-t-elle, convaincue que pour se voir confier une tâche de prête-plume, il faut d’abord avoir fait ses preuves.

Miléna abonde dans ce sens : « Je travaillais pour une maison d’édition qui a eu l’idée de publier la biographie d’une personnalité qui, elle, était emballée par le projet, mais se sentait intimidée par le geste d’écrire. » C’est ainsi qu’on lui a proposé de prendre la plume et de la mettre au service de cette personnalité.

Pascale Hubert, qui en est à son premier projet de livre à titre d’écrivain fantôme, déclare à son tour : « J’ai publié un livre à mon nom, et j’ai parlé un peu de mon aventure comme autrice sur les réseaux sociaux. Une chargée de projet qui était à la recherche d’un ghostwriter pour une cliente et avec qui j’étais en contact sur LinkedIn a vu une de mes publications, et a trouvé que mon profil cadrait bien avec celui de sa cliente. Elle nous a donc mises en contact, et ça a été le match parfait ! »

Comment est établie la rémunération d’un prête-plume?

Si l’opportunité d’écrire à titre de prête-plume vous intéresse, la question de la rémunération vous titille sans doute. Il faut savoir que les normes ne sont pas claires en ce sens; il faut connaître la valeur du travail à accomplir et savoir négocier sa rémunération.

Pascale Hubert

Généralement, la rémunération est forfaitaire et la modalité du ou des versements est à discuter avec la personne qui octroie le contrat à l’écrivain fantôme. Quant à la somme totale, elle est relative à l’ampleur du travail à accomplir. Miléna affirme que : « le cachet peut varier selon l’expérience du ghostwriter, la prestance de la maison d’édition et le nombre de pages du livre à venir, mais cela tourne généralement autour de 15 000 $. » Écrire un livre, c’est du boulot! Cela exige souvent des mois et des mois de travail…

Pascale ajoute que les ententes peuvent aussi varier selon que l’on travaille pour une maison d’édition ou pour un particulier : « Pour ma part, j’ai fait affaire avec l’autrice. Nous avons convenu ensemble d’une certaine longueur de manuscrit, puis nous avons établi un plan de rédaction. À partir de ce plan, j’ai calculé un certain nombre d’heures par chapitre x mon tarif horaire = le prix total que j’ai chargé à ma cliente. Dans le nombre d’heures, j’ai inclus un certain temps de recherche (sous forme d’entrevues, généralement) et un certain temps pour retravailler le manuscrit. La rémunération est donc un montant fixe sur lequel nous nous sommes entendues. Il est important de faire l’exercice et d’arriver avec de vrais chiffres en termes de temps afin de justifier son prix. »

Pourquoi des « auteurs » ont-ils recours à un ghostwriter?

C’est une chose difficile à comprendre pour certains : pour quelles raisons un « auteur » aurait-il recours à un prête-plume pour rédiger son manuscrit plutôt que de l’écrire lui-même (et pourquoi serait-ce son nom à lui qui apparaîtrait sur la page couverture du livre publié plutôt que le nom du rédacteur)?

« Ce qu’il faut comprendre, déclare Pierre-Alexandre, c’est que ceux et celles qui font appel à un ghostwriter ne sont PAS des auteurs, justement ! Ce sont des gens de milieux variés qui ne possèdent pas mes compétences d’écriture ou qui ne sont pas à l’aise de se lancer dans un projet d’écriture avec tout ce qu’il implique. Comme mon travail consiste à retranscrire le plus fidèlement possible la pensée de la personne avec qui je travaille, c’est normal, pour moi, que ce soit son nom, plutôt que le mien qui apparaisse sur la couverture. »

Il est certain, comme le mentionne Miléna, que certains ont des choses à raconter, mais pas nécessairement de talent particulier pour les raconter de façon captivante. « En ce qui concerne le crédit, ajoute-t-elle, cela peut être une question marketing : entre une confidence de ta vedette préférée ou une confidence de ta vedette préférée qui t’est racontée par un rédacteur ou une rédactrice, il y a tout un monde… »

Pourquoi devenir un écrivain de l’ombre?

On est tout de même tenté de se demander pour quelles raisons un auteur-rédacteur accepte de jouer les ghostwriters pour un autre « auteur » dont le nom apparaîtra sur la couverture du livre à la place du sien. Miléna nous amène à réfléchir à l’effet qu’il est possible que, dans certains cas, le ghostwriter souhaite se protéger, se dissocier de certains propos tenus dans le livre. « Il y a enfin toute la question des droits d’auteur et des redevances qui peut compliquer la chose », conclut-elle.

(photo Patrick Lemay)

Pierre-Alexandre Bonin (photo Patrick Lemay)

Un autre facteur n’est pas à négliger, selon Andrée qui assure que : « le ghostwriting est davantage pratiqué pour des raisons économiques que pour un besoin viscéral d’écrire. » Autrement dit, il ne s’agit pas d’un travail de créateur en tant que tel; il s’agit d’un moyen de mettre à profit son talent d’écriture pour en tirer des revenus.

Mais encore, on se demande comment accepter le fait que cela implique que son travail ne sera pas révélé au public et qu’il faudra rester discret — voir muet comme une carpe— à ce sujet. « C’est sûr que ça peut être frustrant, pense Pascale, mais en même temps, je trouve que ça vient avec un certain lâcher-prise et un détachement face au projet, ce qui peut s’avérer une bonne chose ! Je le fais plus par plaisir d’écrire que par envie que mon travail soit reconnu. »

Quand on demande à Pierre-Alexandre ce qu’il en pense, quant à lui, il répond : « Ce n’est pas comme si j’étais un auteur de best-sellers et que je me « cachais » de mon public non plus ! [rires ] Oui, ça demande une dose d’humilité, de savoir rester dans l’ombre, mais en même temps, ça reste un défi littéraire et créatif très stimulant pour moi. »

Quel est le principal défi du ghostwriting?

Le plus difficile est de combler les « trous » dans les informations que nous donne l’« auteur », selon Pascale. « On aura beau passer des heures à l’écouter parler, nous ne sommes pas dans sa tête, et ça peut parfois être difficile de rendre le texte comme l’autre personne se l’imagine, ou comment elle l’a vécu, dans le cas d’une histoire vraie ! »

Andrée considère que le principal défi est de : « réussir à rendre la voix de « l’auteur » crédible, reconnaissable. » Miléna est du même avis : « En tant qu’autrice, j’ai ma propre voix, mais quand je prête ma plume à quelqu’un, je dois l’ignorer… Le défi, c’est d’imaginer quelle serait la voix de cette personne si elle écrivait. Je m’imprègne évidemment de sa façon de s’exprimer à l’oral, mais on est très loin du verbatim! »

Est-ce fréquent, le recours aux écrivains fantômes?

Pascale, qui a travaillé en maison d’édition pendant cinq ans, assure que, selon son expérience personnelle, c’est assez fréquent : « C’est souvent utilisé dans le cas de personnalités publiques/connues dont l’histoire intéresse les lecteurs. »

Conseils pour de futurs ghostwriters

Miléna Babin (photo Julie Artacho)

Sans hésiter, Andrée recommande de se faire, avant toute chose, des contacts dans le milieu de l’édition. Miléna serait tentée, de son côté, de conseiller d’abord à un futur ghostwriter de travailler à la dissolution de son ego, car il importe en effet de savoir s’effacer complètement.

«N’ayez pas peur de mettre vos limites, conseille quant à elle Pascale, et de charger le juste prix. Écrire un livre est un projet colossal, qui plus est quand on doit raconter l’histoire de quelqu’un d’autre, il faut donc être payé à votre juste valeur pour ne pas devenir amer envers le projet ! Prenez le temps de bien discuter avec l’« auteur », de comprendre sa vision des choses et la personne qu’il est. Consommer tout ce que vous pouvez consommer sur la personne (vidéo/entrevue/podcast, etc.) afin de bien comprendre sa personnalité. Et n’ayez pas peur de poser les questions nécessaires pour bien comprendre ses attentes ! »

N.B. Il est interdit de reproduire ce texte, en entier ou en partie, sans avoir obtenu notre autorisation.

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